La décoration des manuscrits grecs et slaves (IXe–XIe siècles)*.
#Džurova A. La décoration des manuscrits grecs et slaves (IX-e–XI-e siècles) // Scripta. An International Journal of Codicology and Palaeography. — 2008. — Vol. 1. — Pisa—Roma: Fabrizio Serra Editore, 2008. — P. 45–59.
* Abréviations des bibliothèques et des archives:
BAN — Bâlgarska Akademija na naukite
BAV — Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana
BL — London, British Library
BNF — Paris, Bibliothèque Nationale de France
CDA — Sofia, Centralen dâržaven archiv
CIAI — Sofia, Cârkoven istoriko-arhiven institut (Institut ecclésiastique d’histoire et d’archivage)
EBE — Ἀθήναι, Ἐθνιϰὴ Βιβλιοθήϰη τῆς Ἑλλάδος GIM — Moskva, Gossudarstvenyj Istoričeskij Muzei
NBKM — Sofia, Narodna Biblioteka Sv. sv. Kiril-i-Metodij
NCID — Sofia, Naučen Centâr za slavjano-vizantijski prouĉvanija «Ivan Dujčev» k’m Sofijskija Universitet «Kliment Ochridski»
NBIV — Plovdiv, Narodna biblioteka Ivan Vazov
NBB — Belgrad, Narodna biblioteka
NMB — Belgrad, Naroden Muzej
RNB — Sankt Petersburg, Rossijskaja Natsionalnaja Biblioteka
Sveta Gora, monastère de Hilandar
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Ces quelques dernières années, plusieurs manuscrits grecs datés du IXe au XIe siècle, conservés dans les bibliothèques de Sofia et de Plovdiv, ont été mis à la connaissance des chercheurs, confirmant certaines de mes observations, liées à la décoration des manuscrits slaves par rapport à leur modèle: le codex byzantin. Je suppose que le problème de la réception présentera de l’intérêt pour un recueil, composé à la mémoire du Prof. Jean Irigoin, dont les études m’ont beaucoup aidée à comparer les manuscrits grecs et slaves, sans compter mon séjour à Jérusalem en 1991, réalisé grâce à son concours, où j’ai fait partie d’un groupe de travail. Ce groupe, dirigé par le Prof. Malachi Beit Arié, avait pour but d’étudier les paramètres codicologiques des manuscrits hébreux datés, antérieurs à la chute de Constantinople. Travaillant sur place avec des manuscrits appartenant à des traditions linguistiques et géographiques différentes, j’ai eu l’idée téméraire de rédiger l’Introduction à la codicologie slave, parue en 1997, dont le but principal est suggéré par le sous-titre Le Codex byzantin et sa réception chez les Slaves. Au cours de mon travail, j’ai été obligée de m’adresser plusieurs fois au Prof. J. Irigoin, pour lui demander conseil, ce qui était déterminé dans un certains sens, par les conclusions inattendues auxquelles j’arrivais. J’étais émerveillée par sa bienveillance et sa compréhension, par la promptitude qu’il mettait à répondre à mes questions. Réalisant maintenant ces lettres, je me dis qu’en réalité j’ai le bonheur d’appartenir à la génération qui n’a pas été touchée par la culture virtuelle au point de ne pouvoir jouir du contact direct avec la feuille, remplie de la main du Maître, ce dont je remercie le destin.
La décoration des manuscrits cyrilliques les plus anciens, Xe–XIe siècles (j’en exclus les manuscrits glagolitiques qui révèlent une grande diversité, ainsi qu’une synchronie parfaite au niveau des paramètres codicologiques avec les manuscrits grecs en minuscule des IXe–Xe siècles) est nettement asynchrone par rapport au processus de la reproduction constantinopolitaine[45-1]. Qu’entends-je par là?
45-1 Pour plus de details, voir: А. Джурова, Въведение в славянската кодикология. Византийският кодекс и рецепцията му сред славяните. Introduction à la codicologie slave. Le codex byzantin et sa réception chez les Slaves, Studia Slavico-Byzantina et Mediaevalia Europaensia, VII, Sofia 1997; A. Džurova, Byzantinische Miniaturen. Schätze der Buchmalerei vom 4. bis zum 19. Jahrhundert. Mit einem Vorwortzurdeutschen Übersetzung von Peter Schreiner, Regensburg 2002.
En premier lieu, la substitution des manuscrits en minuscule aux manuscrits onciaux qui s’opère aux IXe–Xe siècles entraîne une réduction évidente du riche répertoire ornemental, en usage dans la tradition préiconoclaste de la capitale et de la périphérie. Elle est accompagnée du passage à une technologie plus efficace concernant la confection des codices en minuscule, employée d’abord au monastère de Stoudios pendant la première moitié du IXe siècle et, plus tard, codifiée dans la production des ateliers constantinopolitains pendant la seconde moitié du IXe et au cours de tout le Xe siècle.
En deuxième lieu, l’application de ces réformes dans les différentes zones de l’Empire se fait à un niveau différent. Il est notoire qu’elles pénètrent beaucoup plus tard dans la périphérie, sans compter qu’elles ne sont pas appliquées du tout dans certaines provinces comme l’Arménie, la Géorgie, la Palestine, Chypre, et dans d’autres elles le sont partiellement: en Grèce continentale et, avec un retard considérable, en Italie du Sud.
En troisième lieu, la décoration des manuscrits (il s’agit des initiales et des titres enluminés, non pas des miniatures) consiste, d’une part, en l’usage d’initiales fort simples aux hastes à trait double, exécutées à l’en-cre, plus rarement au cinabre (voir BAV, Vat. gr. 699 du IXe siècle, fol. 18)[45-2]. Parfois elles sont remplies de rouge ou de jaune, plus rarement de bleu ou de vert, les hastes étant complètement ou partiellement divisées, les segments en étant colorés (voir BAV, Vat. gr. 473 du IXe siècle, fol. 117)[45-3]. D’autre part, les manuscrits de grand luxe présentent des initiales exécutées en Blütenblattstil (style byzantin fleuri [voir Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ottob. gr. 2 du Xe siècle, fol. 191]), imitant l’émail, ou en Laubsägestil (style dentelé [voir BAV, Ottob. gr. 4 du Xe siècle, fol. 242]), évoquant les motifs floraux découpés d’une scie
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très fine sur fond doré ou jaune (la couleur naturelle du parchemin)[46-1].
45-2P. Canart — S. Lucà — A. Jacob — L. Perria, Facsimili di codici greci della Biblioteca Vaticana, 1. Tavole, Exempla Scripturarum, V, Città del Vaticano 1998, p. 1, tav. 1.
45-3Canart—Lucà—Jacob—Perria, Facsimili cit., p. 1, tav. 2.
46-1A. Frantz, Byzantine Illuminated ornament. A Study in Chronology, «Art Bulletin» 16 (1934), pp. 43–76; K. Weitzmann, Die Byzantinische Buchmalerei des IX. und X. Jahrhunderts, Berlin 1935, reprint 1996; I. Hutter, Decorative Systems in Byzantine Manuscripts, and the Scribe as Artist: Evidence from Manuscripts in Oxford, «Word and Image» 12 (1996), nr 1, pp. 4–22; S. Dufrenne, Problèmes des ornements des manuscrits byzantins. Deux études dédiées à Kurt Weitzmann, «Scriptorium» 41 (1987), pp. 35–57; A. Džurova, Répertoire des manuscrits grecs enlumines (IXe–Xe siecles), Centre Ivan Dujčev, Université de Sofia «St. Clément d’Ohrid», I, Sofia 2006, pp. 12–13, y compris la bibliographie; Canart—Lucà—Jacob—Perria, Facsimili cit., p. 5, tav. 17.
On sait bien que le Laubsägestil a une existence relativement brève (Xe–XIe siècles) en comparaison avec le Blütenblattstil qui, après le Xe siècle, dominera dans les codices commandés en haut lieu, c’est-à-dire, dans les manuscrits de grand luxe, exécutés à l’intention de l’aristocratie ou du haut clergé. J’en exclus, bien entendu, les modifications du Laubsägestil, ayant subsisté dans les manuscrits grecs provinciaux du XIe jusqu’au XIIIe siècle (Glasgow, University Library, Hunter gr. 475 et Oxford, Bodleian Library, Christ Church gr. 21 du XIe siècle, tétraévangiles d’Italie du Sud), exécutées au cinabre ou en jaune-orange, telles que nous les découvrons en partie dans les manuscrits slaves (comparer les Evangiles grecs de Sofia, NCID, D. gr. 228 et 235 du XIe siècle à l’Evangile slave de Sofia, NBKM, 22 de la fin du XIIIesiècle)[46-2].
46-2I. Hutter, Corpus der byzantinischen Miniaturenhandschriften, 4, Oxford, Christ Church (Stuttgart, 1993), nr 7; I, pp. 20–23; II, figg. 116–123; A. Džurova, Quelques observations sur la production des livres manuscrits grecs dans les zones périphériques de l’Empire Byzantin, Ière partie. Le lien entre l’évolution historique de l’écriture et la décoration de l’initiale des manuscrits grecs IXe–XIIe siècles (d’après les manuscrits de la collection grecque du Centre Dujčev), in Actes du IIIe Symposium «Les Balkans et le Monde Méditerranéen XIIe–XVIIe siècles», Βαλϰανία ϰαι Ανατολίϰη Μεσογειος (12ος–17ος αιωνες) 1998, Athens 1998, pp. 41–87.
En ce qui concerne les manuscrits cyrilliques, à l’exception du Recueil Supraslensis (RNB, Q. n. I. 72) de la seconde moitié du Xe siècle, qui s’en tient à l’ornementation simple mais élégante (initiales et entêtes) des manuscrits en minuscule issus du monastère de Stoudios au IXe siècle, les autres codices, peu nombreux d’ailleurs (à peine 25) se distinguent par une maladresse évidente de la stylisation et par une absence de style[46-3]. Le niveau d’exécution des manuscrits slaves dépendait dans une grande mesure du modèle qu’on avait sous la main et de la maîtrise du scribe et du calligraphe. Il faut en exclure le Recueil de Svetoslav (GIM, Sobr. Sinod. gr. 31 d) de 1073 et les Evangiles d’Ostromir (RNB, F. n. I. 5) de 1056–1057 et de Mstislav (GIM, Sinod. gr. 1203) de 1113–1117, dans lesquels prédomine le style byzantin fleuri[46-4]. Les manuscrits sud-slaves des Xe–XIIe siècles présentent une décoration plutôt simple, subissant l’influence des
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grosses initiales des manuscrits onciaux grecs du IXe siècle, qu’on retrouve aussi dans d’autres traditions: irlandaise, arménienne, latine (souvenons-nous de la grande initiale au fol. 1 de l’Apôtre d’Enina [NBKM, 1144] du XIesiècle)[47-1]. La subordination de la dimension de l’initiale au type d’écriture, qu’on commence à observer dans les codices en minuscule aux Xe–XIe siècles, ne se manifeste dans les manuscrits cyrilliques qu’après le XIIe siècle; les grosses initiales de l’Evangile de Miroslav (Belgrad, Naroden muzej, Sl. 1536) et du Parimejnik de Belgrade (NBB, Pc 65) situent la décoration des premiers manuscrits serbes entre les traditions latine et byzantine: tendance qui subsiste au cours des siècles suivants[47-2].
46-3Džurova, Byzantinische Miniaturen cit., p. 126, ill. 114
46-4O. S. Popova, Les miniatures russes du XIe au XVe siècle, Moscou 1976, pp. 10–14, ill. 1–6.
47-1Džurova, Byzantinische Miniaturen cit., pp. 156–168, ill. 117, tav. 32.
47-2Св. Радоjчић, Старе српске миниjатуре, Београд 1950, pp. 25–29, ил. 1–2, табл. I–VII; J. Максимовић, Студиjе о Мирослављевом еванћељу. T. 1. О западначком карактеру миниjатура. — Зборник народног музеjа, «Београд» 4 (1964), pp. 201–207; J. Максимовић, Студиjе о Мирослављевом еванћељу. T. 2. Жан Батиста, 2, Мариja Магдалена. — Зборник за ликовне уметности, «Нови сад» 6 (1970), pp. 3–11; J. Максимовић, Студиjе о Мирослављевом еванћељу. T. 3. Матица српска. — Зборник за ликовне уметности, «Нови сад» 8, (1972), 41–50; J. Максимовић, Илуминациja Београдског паримейника. — Зборник за ликовне уметности, «Нови сад» 16 (1980), pp. 1–12; Id., Српске средновековне миниjатуре, Београд 1983.
En quatrième lieu, il convient de noter que les manuscrits slaves des Xe–XIIe siècles ne présentent pas d’éléments du style blue, de «l’arabesque» ou du Laubsägestil, utilisés dans la décoration des manuscrits grecs des Xe–XIesiècles[47-3]. Il est tout naturel d’essayer de comprendre pourquoi. Pourquoi les éléments de ces styles ne se manifestent-ils pas plus tard dans les manuscrits slaves, ou s’ils y sont présents, c’est une présence tellement vague qu’ils ne peuvent faire partie d’aucune classification? Est-ce le résultat du fait que les manuscrits cyrilliques ont été copiés d’après des manuscrits grecs onciaux (archaïques, aussi bien au niveau de l’écriture que de l’ornement), exécutés à l’époque pré-iconoclaste ou iconoclaste, ou faut-il en chercher les raisons ailleurs? Pour m’expliquer plus clairement, je donnerai en exemple la décoration de quelques manuscrits grecs (Xe–XIe siècles) peu connus, inédits, il n’y a pas longtemps, de Sofia et de Plovdiv, qui révèlent une fois de plus la richesse des motifs ornementaux dans les codices grecs de l’époque et leur absence des manuscrits slaves.
47-3L. Perria, Manoscritti miniati in “stile blu” nei secoli X–XI, «RSBN» N. S. 24 (XXXIV), Roma 1987, pp. 85–124, y compris la bibliographie.
Il s’agit en premier lieu des Homélies de Basile le Grand de l’Institut ecclésiastique d’histoire et d’archivage (CIAI, gr. 803, Pls. 1–5) et de la Bibliothèque Nationale (NBKM, gr. 95) du début du XIe siècle, qui représentent les deux parties du même manuscrit (nous ignorons à quel époque il a été divisé)[47-4], le fragment de
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la Bibliothèque Nationale ayant été daté du XIIIe siècle par M. Stojanov[48-1]. L’étude du texte des deux fragments, effectuée par D. Getov et A. Džurova, vient confirmer la thèse que le manuscrit CIAI, gr. 803 et le fragment NBKM, gr. 95 ont été apporté à Bačkovo par Bakouriani, le fondateur du monastère (voir p. 47 n. 4).
47-4D. Getov, A Checklist of the Greek Manuscript Collection at the Ecclesiastical Historical and Archival Institut of the Patriarchate of Bulgarie, Series Catalogorum, 5, Sofia 1997, p. 13; D. Getov, Codex Serdicensis Graecus EHAI 803. A Codex Pacurianeus?, «Byzantion, Revue Internationale des Etudes Byzantines» LXIX (1999), pp. 60–64; А. Джурова, Някои бележки за украсата на гръцките ръкописи от X–XIII в. в Народната библиотека и Църковно-историческия и архивен институт в София. — Библиотеката. Минало и настояще, София 2005, pp. 339–357; А. Джурова, За украсата на Бачковския ръкопис от XI в., съдържащ Хомилии на Василий Велики (EHAI/ЦИАИ/803 + НБКМ 95), в: Сборник, посветен на 70-годишнината на Г. Прохоров, Сaнкт Петербург (sous presses).
48-1М. Стоянов, Опис на гръцките и други чуждоезични ръкописи в Народна библиотека “Кирил и Методий”, Sofia 1973, pp. 91–92, ill. 17.
Le fragment de la Bibliothèque Nationale (NBKM, gr. 95) et le manuscrit du Musée Ecclésiastique (CIAI, gr. 803) méritent un intérêt particulier, surtout en ce qui concerne leur décoration. Elle est exécutée en bleu et se rapporte aux meilleurs spécimens du style blue, qui est une modification du Laubsägestil ou style dentelé. Ce style, qui doit son nom à J. Leroy et à K. Weitzmann, a été étudié en détail par notre regrettée collègue L. Perria[48-2], qui a publié une liste des manuscrits des différentes bibliothèques mondiales dominés par ce style (assez peu nombreux), dont la majeure partie renferment les Discours de Grégoire le Théologien et de Basile le Grand. Nous pouvons y ajouter aussi quelques manuscrits du Centre Dujčev, auxquels nous avons consacré un article à part. Ce style se distingue par la domination du bleu dont sont remplies les initiales aux contours rouges. Les en-têtes du NBKM gr. 95 et du CIAI gr. 803 sont d’une facture élégante, en dépit de leur simplicité. Ils sont composés de lignes ondulées, barrées de signes graphiques, de croix ou de rosettes, se terminant par des trilobes, des feuilles en forme de coeur ou de lys, remplis également de bleu.
48-2Perria, Manoscritti miniati cit., pp. 85–124.
Nous avons découvert des initiales aux motifs végétaux simplifiés, colorés au cinabre, sans extrémités en forme de lys, dans les manuscrits slaves de Târnovo et des environs des XIIIe–XIVe siècles, c’est-à-dire quatre siècles plus tard, ainsi que dans les manuscrits serbes et russes à l’usage liturgique quotidien. Il s’agit de la décoration la plus conventionnelle, qui se maintient dans la production en masse, au cours des siècles suivants[48-3].
48-3A. Джурова, Украсените ръкописи от XIV в., излезли от Търново и околностите му. (Втори международен симпозиум, В. Търново, 20–23. Май 1976) — Институт по Балканистика при БАН. Търновска книжовна школа, t. 2, Sofia 1980, pp. 533–554.
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Les titres du NBKM gr. 95 et du CIAI gr. 803 de Sofia sont exécutés au cinabre, d’une écriture onciale de type alexandrin, à la différence de l’encre brune foncée du texte. Au fol. 1 (n’existant plus à présent; nous présentons l’illustration du microfilm du manuscrit, fait en 1989, conservé au Centre Dujčev) le titre est composé d’une écriture pseudocoufique: écriture rubriquée qui n’a aucun écho dans la tradition manuscrite slave. La décoration du NBKM gr. 95 et du CIAI gr. 803 de Sofia et, plus particulièrement, la décoration en bleu, fait penser à quelques manuscrits d’origine constantinopolitaine, mais elle n’en demeure pas moins sans influence sur les manuscrits slaves.
De même, les initiales d’un manuscrit, inédit jusqu’en 2004, des Archives Nationales de Sofia (CDA), que nous avons publié récemment, le Stichéraire, CDA (Rizov, F. 1650 k, inv. 4/3) de la fin du Xe siècle (Pl. 6), pour les mois de novembre, décembre, janvier et février, où sont visibles les traces d’une notation paléobyzantine (BNF, Coislin 1) n’ont pas de parallèles dans la tradition slave[49-1]. Le texte du Stichéraire, ainsi que celui du manuscrit précédent, est transcrit dans une Perlschrift. L’ornementation est simple, mais élégante. De modestes bandeaux à l’encre, constitués souvent d’une simple ligne de tirets ou de pointillés, séparent les pièces des mois de décembre, janvier et février (foll. 25r, 84v, 135v [= 2r, 74v, 125v]). Les lettres rubriquées et les initiales sont tracées au cinabre. Les principales fêtes sont pourvues d’initiales, colorées en bleu (style blue) sur fond cinabre (foll. 11r, 25r, 84v, 95v, 98v). Les tiges de ces initiales sont denses, interrompues par endroits de points, de bourgeons, de traits. Les extrémités des hastes se terminent par des motifs végétaux, élégamment stylisés (trilobes ou feuilles cordiformes, du type feuille de lierre). Ces motifs, connus depuis l’Antiquité — surtout celui du lierre —, sont repris et rénovés dans les manuscrits de la dynastie macédonienne du IXe siècle et jusqu’au début du XIesiècle[49-2]. A cet égard, il convient de mentionner les
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initiales enluminées du BAV Vat. gr. 699, du IXe siècle, du BNF Par. gr. 510 et du BAV Vat. gr. 1594[50-1]. Une partie de la sobre décoration de la Collection Philosophique, en particulier les extrémités des lettrines et
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des culs-de lampe, présentant le motif de la feuille de lierre, atteste le goût tardo-antique s’étant manifesté dans la décoration et l’illustration des manuscrits au IXe et jusqu’au début du XIesiècle[51-1].
49-1Y. Marinov, Über eine neuentdeckte Musikhandschrift mit frühester byzantinischen Notation (zweite Hälfte des 10. Jhs.n.Chr.): International Humboldt Conference. Challenges to the Science in South-East European Countries Before their Membership in European Union, 14–16 October 2005. Book of Abstracts, Sofia 2005, pp. 25–26; A. Džurova, Un stichéraire inédit de la fin du Xe siècle, conservé au Archives Nationales de Sofia (CDA, Rizov 3), «RSBN» N. S. 42 (2005), Ricordo di Lidia Perria, I, Roma 2006, pp. 106–112.
49-2 Voir les en-têtes traitant le motif de la feuille de lierre dans les mss. Paris, BNF, Coislin 191 et Par. gr. 550 — M. Al. Frantz, Byzantine Illuminated Ornement. A Study in Chronology, «The Art Bulletin» 16/1 (March 1934), pp. 34–76 et en particulier pl. X, 15 et pl. X, 13.
50-1Canart—Lucà—Jacob—Perria, Facsimili cit., p. 1, tav. 1; L. Brubaker, Greek Manuscripts decoration in the ninth and tenth centuries: Rethinking Centre and Periphery, in G. Prato (ed.), I manoscritti greci tra riflessione e dibattito, Atti del V Colloquio Internazionale di Paleografia Greca, Cremona 4–10 ottobre 1998, Firenze 2000, II, pp. 519–532, ill. 8a, 3b.
51-1 A propos de la réinterprétation des motifs tardo-antiques dans la décoration de la collection philosophique, voir: L. Perria, Scrittura e ornamentazione nei codici della «collezione filosofica», «RSBN» 28 (1991), pp. 45–111 et en particulier pp. 108–109, note 124, ill. 4–8. A propos de la feuille de lierre en tant qu’ornement, voir: A. Riegl, Stilfragen grundlegungenzuliner Geschichte der Ornamentik, München 1985, p. 82, ill. 58; voir aussi le traitement du motif de la feuille de lierre dans le plat en argent du vie siècle de la collection de l’Ermitage — P. Vaboulis, Byzantine Decorative Art, Athens 1977, p. 11, ill. 166 b. Le même motif réapparaît plus tard dans les manuscrits des IXe–Xe siècles, pour disparaître dans son état pur après le Xe siècle.
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Le principal élément qui revient dans l’enluminure des initiales est le motif de la feuille de lierre, caractéristique pour la Dynastie Macédonienne. Nous le retrouvons dans le cul-de lampe de l’Evangile Uspenski, de l’an 835, dont le reste de la décoration est assez modeste (RNB, gr. 219)[52-1], dans les initiales de EBE, 2651, de la première moitié du Xe siècle, ainsi que dans le GIM, gr. 98, ces deux derniers manuscrits datant de la fin du IXe ou du début du Xesiècle[52-2]. La manière dont le motif de la feuille de lierre est traité dans les manuscrits qui viennent d’être mentionnés montre qu’il a le plus souvent une existence autonome et apparaît rarement en combinaison avec d’autres motifs. En revanche, dans les manuscrits de la seconde moitié du Xe et du début du XIe siècle, la feuille de lierre, déjà modifiée en motif cordiforme, est associée à des trilobes et à des bourgeons, comme c’est précisément le cas dans le Stichéraire Rizov 3 (voir aussi le GIM, Sinod. 60 [Vlad. 140], écrit par Monachos et par le presbiteros Nicolas en 975 [foll. 74, 193])[52-3]. On pourrait indiquer à ce propos trois manuscrits d’Athènes, EBE, 2551, 2552 et 179, qui remontent à la première moitié du XIesiècle[52-4], de même que les manuscrits examinés plus haut, le CIAI gr. 803 (Sofia) et le NBKM gr. 95. La saturation de motifs végétaux, y compris la feuille de lierre (voir foll. 3r, 23r, 30r, 55r,
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57v, 60v, 62v, 69v, 84r, 135v), qui caractérise le Stichéraire CDA, Rizov 3, dénote un engouement pour la réinterprétation tardo-antique de ce motif, mais cette fois-ci en combinaison avec d’autres motifs floraux, qui ont enrichi la décoration des manuscrits du Xe siècle. Il s’agit de l’insertion active de différents motifs dans la charpente même de la lettre et non seulement dans les extrémités de l’initiale (comparer l’EBE, 2651, et le CDA Rizov 3). Ces processus au niveau de l’enluminure des initiales sont typiques, ainsi que nous l’avons déjà noté, de la seconde moitié et de la fin du Xe siècle, époque à laquelle nous sommes enclins à
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situer le Stichéraire CDA, Rizov 3, tout en ajoutant que le type d’écriture utilisée — la Perlschrift — nous invite à opter pour une telle datation[54-1]. Je voudrais ajouter qu’une partie des stichères dans ce manuscrit sont attribués à des moines du monastère de Stoudios (Théodore Stoudite et son frère Théodose Antoine) ou à des hymnographes de Constantinople[54-2]. Si nous ajoutons à ces renseignements la décoration élégante du CDA, Rizov 3, nous pouvons présumer qu’il a été créé dans le scriptorium du monastère de Stoudios. Il convient de noter par ailleurs, que ce genre de décoration n’apparaît guère dans les manuscrits slaves des Xe–XIIe siècles.
52-1Ν. Ξ. Ελεοποτλος, Η βιβλιοθήϰη ϰαι το βιβλιογραϕιϰόν εργαστήριον της Μονής των Στουδίου, Αθήναι 1967, p. 78, ill. 12.
52-2A. Marava-Chatzinicolaou / Chr. Toufexi-Paschou, Catalogue of the Illuminated Byzantine Manuscripts of the National Library of Greece, III, Athènes 1997, pp. 54–56, figg. 336–341; A. Aletta, Un nuovo codice del copista Nicola (sec. X) l’Athen. B. N. 2651, «Bollettino della Badia Greca di Grottaferrata» N. S. LVI/LVII (2002–2003), pp. 63–76, en part. p. 78, figg. 1, 2.
52-3J. Spatharakis, Corpus of Dated Illuminated Manuscripts to the Year 1453, I Text, II Illustration, Byzantina Neerlandica, 8, Leiden 1981, nr 44; L. Th. Lefort — J. Cochez, Paleographische Album van Gedagteeklende griekische Minuskelhandschriften uit de IXe en Xe eeuw: Met enkele specimina van Handschriften uit de XIe–XVIe eeuw, «Filologische Studien» 88 (1932–1934), p. 46; I. Hutter, Scriptoria in Bithynia, Constantinople and its Hinterland. Papers from the Twenty – Seventh Spring Symposium of Byzantine Studies, Oxford 1993, p. 383, fig. 2.
52-4A. Marava-Chatzinicolaou / Chr. Toufexi-Paschou, Catalogue of the Illuminated Byzantine Manuscripts of the National Library of Greece, vol. I, Athènes 1978, pp. 79–82, figg. 137–144.
54-1E. Follieri, La minuscola libraria dei secoli IX e X, in A. A. Longo—L. Perria—A. Luzzi (edd.), Byzantina e italograeca Studi di filologia e di paleografia, Roma 1997, pp. 205–248, tav. 21.
54-2 Voir p. 49 note 1, l’article de Y. Marinov, Über eine neuentdeckte cit., pp. 25–26.
En ce qui concerne l’enluminure des manuscrits grecs des IXe–XIe siècles, l’Evangéliaire du XIe siècle (première moitié) de Plovdiv (NBIV, P 99) présente un intérêt encore plus grand (Pls. 7–18). Ce manuscrit n’a été mentionné que dans une check-list sommaire, rédigée par notre collègue Krasimir Stancev en 1989[54-3]. Là aussi, le texte est transcrit dans une Perlschrift: l’écriture qui unifie la production des manuscrits à Constantinople après le Xe siècle, contrairement à la diversité d’écritures en usage au Xe siècle. L’Evangéliaire de Plovdiv, en très mauvais état, a été déposé au Centre de Recherches Slavo-Byzantines «Ivan Dujčev» pour être restauré, ce qui m’a permis de le décrire intégralement, en m’arrêtant plus en détail sur la décoration.
54-3Kr. Stančev, The Bulgaro-Greek Literary Relations during the Turkish Rule based on the Greek Manuscripts of the National Library “Ivan Vazov” in Plovdiv, «Balkan Studies» 25/2 (1984), pp. 457–473, plus concrètement, p. 460.
Par son contenu, le manuscrit est un évangéliaire. Le texte est transcrit sur un parchemin très fin, comme les deux autres manuscrits, malgré la différence visible entre les côtés chair et poil. Il comprend 154 feuillets aux dimensions 145×190 mm et 90×125 mm de la surface écrite. Le feuillet 128 n’a pas été numéroté, mais comme on passe directement du fol. 48 au fol. 50, leur nombre reste invariablement 154. Le texte est transcrit à raison de 21 lignes par page. Le manuscrit n’a pas de début, il commence à partir du troisième cahier.
Dans son état actuel, l’Evangéliaire est composé de 21 cahiers de quatre bifolios (quaternions), à l’exception des cahiers où il manque des folios (cahiers I, V, XIII, XIX, XX, XXI). La règle de Gregory a été observée. La numérotation est en lettres, dans le canton inférieur interne du premier feuillet du cahier et dans le canton inférieur externe du VIIIe (dernier) feuillet du cahier. Les cahiers commencent par le côté chair du parchemin. Le début du cahier est marqué également par une croix apposée dans la marge inférieure, au milieu de la surface écrite et dans certains cahiers nous sommes en présence de deux ou trois croix (II, XIII et XIX). Comme il est notoire, cette foliotation est caractéristique des manuscrits issus du monastère de Stoudios. La piqûre, faite au poinçon, est logée dans la marge externe, loin de la surface écrite.
Type de réglure: C33C1d.
Le système de réglure utilisé, c’est le système 1 de Leroy.
L’encre utilisée pour le texte principal est de couleur brune.
Les titres sont transcrits en lettres onciales, du type alexandrin, rehaussées d’encre rouge.
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Le manuscrit est fortement détérioré: feuillets déchirés ou collés, traces d’humidité.
La décoration est composée des en-têtes suivants:
torsades entrelacées, fol. 35 (en bleu, en bleu-vert et en jaune);
torsade jaune enroulée autour d’une tige bleue (fol. 64);
lignes ondulées (fol. 96);
en-têtes du type le plus simple, composés de signes graphiques (foll. 63v, 110v, 127v).
Au fol. 17 figure aussi un cul-de lampe, composé de signes graphiques, superposés en trois lignes. Au fol. 34v est inséré un dessin plus tardif, représentant le Christ.
C’est toujours le bleu qui domine dans les en-têtes et les initiales de l’Evangéliaire de Plovdiv (NBIV, P 99), mais cette fois-ci en combinaison avec le jaune ou le vermillon, plutôt comme une réminiscence du style blue que nous avons observé dans le manuscrit de Bačkovo (CIAI, gr. 803) des Xe–XIe siècles et dans celui de Sofia, CDA, Rizov 3 du Xe siècle. La diversité de l’enluminure des nombreuses initiales aux hastes à trait double (environ 100) présentent un intérêt particulier, d’autant plus qu’il n’y a pas de répétition des motifs ou des moyens de stylisation. Leur facture révèle la présence d’un bon calligraphe qui manie librement le dessin et qui fait preuve d’une grande imagination pour enrichir les hastes des lettres par des noeuds, des
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bourgeons, des motifs floraux et des surgeons, mais il emploie plus rarement, en comparaison avec les deux manuscrits précédents, le bleu et le motif de la feuille du lierre. C’est précisément ce type de traitement de la charpente des initiales à la feuille de lierre, souvent en usage au Xe siècle, deviendra le procédé préféré dans les manuscrits slaves à partir des XIIIe–XIVe siècles, c’est-à-dire, deux ou trois siècles après l’essor de ces initiales dans les manuscrits grecs. Ils ne reprendront pas cependant la gamme chromatique dans laquelle le bleu dominera sur les autres couleurs.
Même dans des manuscrits comme le Psautier du roi bulgare Ivan Alexandre de 1337, connu sous le nom de Pesnivec (BAN, Slavo 2), où le bleu est utilisé à profusion dans les rubriques et les signes indicateurs, son emploi dans les initiales est assez parcimonieux[57-1]. Dans les manuscrits slaves du XIVe siècle, commandés en haut lieu et exécutés en Blütenblattstil, tels le Psautier de Tomič (GIM, Muz. 2752), le Tétraévangile de Londres de 1356 (BL, Add. 39627), l’Evangile du patriarche Sava (Sveta Gora, Hilandar, Slavo 13), exécuté par Nikola Staničević, l’Evangile de Jacob de Sérès (BL, Add. 39626), etc., le bleu est toujours en combinaison avec le vermillon, le jaune et le vert[57-2]. Il s’agit en fait de manuscrits qui imitent les manuscrits grecs luxueux, sortis du monastère de Stoudios pendant la seconde moitié du XIe siècle (BNF, gr. 74, NCID, D. gr. 157, 177, 282 etc.)[57-3].
57-1А. Джурова, Хиляда години българска ръкописна книга. Орнамент и миниатюра, София 1981, pp. 43–44, ill. 156–160.
57-2Максимовић, Српске средновековне cit., pp. 40–44, ill. 14–18; Džurova, Byzantinische Miniaturen cit., pp. 240–241, ill. 202–204 et pl. 187–189.
57-3S. Der Nerssessian, Two Slavonic Parallels of the Greek Tetraevangelia, Paris. Gr. 74, «Art Bulletin» IX (1972), pp. 223–274; A. Džurova, El Codice griego D. 282 (Olim. P. A. 14) de la colección del Centro de investigaciones eslavo-bizantinas «Ivan Dujčev», in Επίγειος ουρανός,El cielo en la tierra. Estudios sobre el monasterio Bizantino, Nueva Roma, 3, Madrid 1997, pp. 183–190; Ead., L’Evangéliaire Cod. D. 157 (Olim. Kos. 9) du XIe siècle. — Византийски временник, t. 55, Moscou 1998, pp. 199–205.
Toutes ces observations me font penser que les premiers scribes et calligraphes slaves (cela est particulièrement valable pour ceux qui se servaient de l’alphabet cyrillique, une adaptation de l’onciale grecque) ne devaient pas être au courant des processus, intervenus au niveau de la décoration des manuscrits grecs en minuscule de la seconde moitié du IXe siècle et du Xe siècle. Ils avaient à leur disposition les codices onciaux grecs surtout, qui étaient utilisés en liturgie par la population chrétienne autochtone sur les terres bulgares et où l’ornementation décrite plus haut, caractéristique du codex minuscule, était encore absente. Il importe de noter que les manuscrits glagolitiques avaient également stimulé les motifs archaïques de la décoration, qui ont subsisté plus longtemps dans les zones périphériques de Byzance, où s’était accomplie la plus grande partie de l’oeuvre missionnaire de Cyrille et de Méthode et de leurs disciples (la Bithynie, la Cappadoce, la Grande Moravie, Venise, Rome). C’est confirmé par le fait que, du point de vue codicologique, ils présentaient encore l’instabilité propre au codex minuscule grec de la première moitié du IXe siècle, tel que nous le connaissons des manuscrits confectionnés au monastère de
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Stoudios à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle, en dépit des prescriptions de Théodore Stoudite, qui ne s’imposeront définitivement qu’à la fin du IXesiècle[58-1].
58-1Aббат Марен, Творения преподобного отца нашего и исповедника Феодора Студита, II, Санкт Петербург 1908; Н. В. Каврус, Студийский скрипторий в IX веке (По материалам рукописей Москвы и Ленинграда), Византийский временник, 44, Moscou 1983.
En nous arrêtant sur les quelques manuscrits grecs des Xe–XIe siècles, choisis dans les bibliothèques de Sofia et de Plovdiv, qui appartiennent dans une mesure plus grande (NBKM gr. 95, CIAI gr. 803 et Sofia, CDA, Rizov 3) et moins grande (NBIV, P 99) à un groupe de manuscrits décorés en style blue (ou bien des réminiscences de ce style), qui n’est malheureusement pas suffisamment bien définie, nous voudrions formuler les conclusions préliminaires en ce qui concerne la réception de la décoration du codex slave par rapport au codex byzantin. En premier lieu, dans les manuscrits cyrilliques des Xe–XIIe siècles, produits en série et servant à l’usage quotidien, nous sommes en présence d’une réduction évidente du répertoire ornemental et d’une ignorance de la décoration des codices en minuscule de Constantinople. En deuxième lieu, les manuscrits cyrilliques, commandés en haut lieu aux XIe–XIIe siècles, tels le Recueil de Svetoslav de 1073 (GIM, Sinod. 31 Д.), les Evangiles d’Ostromir de 1056–1057 (RNB, Fn. I. 5) et de Mstislav de 1113–1117 (GIM. Sin. 1203), se rapprochent des livres manuscrits constantinopolitains de «grand luxe», transcrits en minuscule, de la fin du IXe et du Xe siècle et décorés en Blütenblattstil, sans pour autant connaître des codices, décorés en Laubsägestil. En ce qui concerne le premier groupe de manuscrits (produits en grande série à l’usage quotidien), le fait de n’avoir pas connu les exemplaires de luxe, accessibles aux membres haut placés de la société, aboutit à l’absence de toute une série de styles, qui apparaissent dans les manuscrits grecs dès la fin du IXe siècle et au Xe siècle (le Blütenblattstil, l’arabesque, le style blue, le Laubsägestil, etc.) qui, dans une variante simplifiée (comme construction ou coloris), ne feront leur apparition qu’aux XIIIe–XIVe siècles. Dans ce sens, les renseignements présentés ici sur quelques manuscrits peu étudiés (le CIAI gr. 803, le NBKM gr. 95, l’Evangéliaire de Plovdiv, NBIV, P 99 et le Stichéraire inédit CDA, Rizov 3), viennent confirmer la thèse, exprimée à plusieurs reprises, non seulement par l’auteur de la présente communication. Dans le cas des plus anciens manuscrits slaves, la réception du codex byzantin n’est que partielle. Elle est déterminée par une situation concrète: la nécessité d’une christianisation rapide et de la création du corpus liturgique indispensable pour les besoins quotidiens de l’église. Il s’agit d’une situation qui rappelle la période post-iconoclaste à Byzance et la nécessité de combler l’hiatus de livres (voir à ce propos les règles d’écriture au monastère de Stoudios, créées par Théodore Stoudite à la fin du IXesiècle)[58-2]. Cette réception partielle résulte aussi de la présence de
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manuscrits liturgiques en Bulgarie. La question est de savoir quels livres étaient utilisés par la population chrétienne autochtone, compte tenu du fait que les manuscrits glagolitiques apportés par les disciples de Cyrille et de Méthode ne devaient pas être nombreux. Aussi les manuscrits slaves étaient-ils copiés aussi bien d’après les manuscrits glagolitiques que d’après les livres grecs. Et l’on a la quasi-certitude que les codices grecs disponibles en Bulgarie n’étaient pas écrits en minuscule, la nouvelle écriture à la mode. Il s’agit probablement de manuscrits onciaux, qui restaient en dehors des innovations au niveau technique et ornemental, effectuées dans le codex minuscule à Constantinople au IXe siècle. C’est justement ce qui explique les différences codicologiques entre les codices constantinopolitains en minuscule et les manuscrits cyrilliques, qui s’en tiennent aux pratiques archaïques des manuscrits onciaux grecs, ainsi que leur aspect esthétique et leur décoration aux Xe–XIIe siècles, ainsi qu’aux siècles suivants[59-1].
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58-2Б. Фонкич, Византийские скриптории. Некоторые итоги и перспективы исследования, in Akten der XVI Intern. Byzantine Congress, Wien 1981 (= JÖB, 31 [1981], pp. 425–444).
59-1A. Džurova, Analogies et différences codicologiques entre les manuscrits en parchemin grecs et slaves, in F. Magistrale—C. Drago—P. Fioretti (edd.), Libri, documenti, epigrafi medievali: possibilità di studi comparati, Atti del Convegno Internazionale di Studi dell’Associazione italiana dei Paleografi e Diplomatisti, Bari, 2–5 ottobre 2000, Studi e Ricerche, 2, Spoleto 2002, pp. 397–443, tav. IX.
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